Bordeaux Aquitaine Marine
Le bateau-cigare sous-marin de Raeber - 1866 extrait de la Revue Maritime et Coloniale T17, 1866
Ce navire , construit à Newark , près de New-York(États-Unis) , par M. Ræber, a la forme d'un cigare, c'est-à-dire que son corps arrondi est renflé à son milieu et pointu par les deux bouts comme un fuseau écourté. Un segment convexe du dos, au sommet de la carapace, apparaît seul hors de l'eau, et son arrête supérieure n'est élevée au-dessus de l'eau que de 0m 45 au maximum, sur une longueur de 2m 10 à 2m 40, et sur une largeur au maximum de 0m 90. La longueur totale du bateau, non compris l'hélice, est de 9 mètres; sa plus grande largeur égale son creux maximum, qui est de 2m 15 environ. Une ouverture rectangulaire, se fermant avec une porte enfer très-solide et laissant facilement passer un homme, est placée au centre de la partie non submergée, et donne accès au moyen d'une échelle dans l'intérieur du bâtiment. Sur le devant de cette ouverture, la carapace est munie d'un casque en fonte de fer d'une grande épaisseur, percé de quatre petites ouvertures en croix, par lesquelles on peut examiner de l'intérieur vers l'extérieur symétriquement, et de chaque côté du casque, quatre oreillons percés de trous ronds font corps avec la carapace, et ils ont vue deux à deux sur l'avant et sur l'arrière du bâtiment. Toutes ces ouvertures, ainsi que celles du casque, sont munies de doubles hublots en verre de 0m05 environ d'épaisseur. A l'arrière du bateau, et en dehors de l'extrémité du fuseau, se trouve une hélice à trois branches, enveloppée dans une cage en fer, et dont le diamètre est de 0m90 environ. Cette hélice sert de gouvernail; la partie extérieure de son arbre peut, grâce à un genou articulé, se mouvoir horizontalement hors du plan longitudinal de l'axe. Un T en fer horizontal est fixé autour de l'arbre sur l'avant de la cage de l'hélice, et sert à manœuvrer le propulseur au moyen d'une dresse venant de l'intérieur. Le T sert de barre de gouvernail, il entraîne l'hélice et sa cage. Enfin deux ailerons en fonte mus par un axe horizontal, traversant le navire perpendiculairement à son grand axe. et un peu au-dessus, sont placés vers l'arrière à 0m60 environ sur l’avant de l'hélice, ils sont destinés à faciliter, à volonté, le mouvement d'ascension ou de descente du bateau dans l'eau. Le bâtiment est tout en fer ; la coque est en tôle de 0m12 d'épaisseur environ, maintenue solidement par une membrure en cornière d'une épaisseur au moins égale. La partie inférieure du bateau est plane au lieu d'être courbe comme la partie supérieure, de sorte que ses fonds consistent en un fort plancher en fonte de fer, épais d'environ 0m076, dans le but de donner à l'appareil une très-grande stabilité qui assure son équilibre sous l'eau dans toutes les circonstances. L'intérieur est occupé par une chambre de manœuvre de 45 à 60 pieds carrés de surface, assez spacieuse pour contenir de 6 à 8 hommes destinés à faire mouvoir et diriger le bateau. Sur l'avant et sur l'arrière de la chambre de manœuvre, la partie inférieure du bâtiment a été transformée en deux grands réservoirs qui occupent toute la largeur des façons, jusqu'à une hauteur de 0m90 au-dessus du plancher en fonte. Ces réservoirs peuvent être mis en communication avec l'extérieur au moyen de robinets ayant leur prise au-dessous du plancher de fonte. Les parois de ces réservoirs sont assez fortes pour résister à une pression supérieure à celle que supporterait extérieurement la carapace, quelle que soit la profondeur à laquelle descende l’appareil; de sorte que si l'on introduit de Peau dans les réservoirs, en la refoulant à l'extérieur, on fera monter ou descendre l'appareil ; ce résultat est obtenu en y introduisant, au moment désiré, de l’air à une certaine pression et en quantité suffisante. Dans ce but, le bateau est muni d’un certain nombre de gros tubes ou cylindres, dans lesquels l’air est comprimé à une très-haute pression (500 livres par pouce carré); 4 de ces cylindres, d‘un diamètre de 0m20 à 0m22 et d'une longueur de 2m10 à 2m40 sont placés en abord au-dessus des réservoirs; on pourrait facilement en loger une dizaine à bord. Deux pompes, ayant une prise d'air commune sur le sommet de la carapace, au devant du casque, sont appliquées à bâbord, sur l'avant et sur l'arrière de la chambre contre les façons du bâtiment et permettent de refouler l’air dans les cylindres. Les réservoirs sont mis successivement en communication avec les cylindres, et selon que l’on aura introduit plus ou moins d’eau, ou qu'on en aura chassé plus ou moins dehors, le bateau montera ou descendra. Il suffit de quelques secondes (moins de 20”) pour refouler l'eau hors des réservoirs quand ils sont pleins; le temps pour les remplir d’eau est un peu plus long (moins de 30"). L’air des réservoirs est introduit dans ce cas dans l’intérieur de la carapace, et les pompes peuvent, si la pression est trop forte dans la chambre, le refouler dans les tubes. L’air destiné à l’équipage est fourni par les tubes; l'air vicié est expulsé du bateau par une petite pompe placée à bâbord au ras du plancher dans un coin de la chambre. Cette pompe sert aussi à étancher l’eau qui pourrait se trouver dans le fond de la chambre. La machine du bateau-cigare est tout simplement une double manivelle qui engrène sur l'arbre de l’hélice, à l’extrémité arrière, au moyen de roues dentées, multipliant le nombre de tours. Deux hommes et au besoin trois peuvent agir sur chaque manivelle, et on atteint par ce moyen une vitesse maximum de 5 milles à l'heure, soit 4 nœuds 4. Une roue de gouvernail ordinaire est placée sur l'avant de la chambre, de telle façon que le pilote puisse la manœuvrer facilement en étant assis sur un tabouret. Dans cette position, sa tête est dans l'intérieur du casque de fonte, et sa vue se dirige sur tous les points de l’horizon au moyen des croisillons. Une dresse, ayant retour en abord, agit sur la barre en T extérieure, et meut l’hélice à volonté hors du plan longitudinal pour mettre le bâtiment sur la route à suivre. La clarté que donnent à l’intérieur les hublots est suffisante. Pour diriger le bateau, le pilote est obligé de faire remonter le bateau de temps en temps à la surface pour regarder au dehors par les croisillons du casque. L'inventeur a aussi cherché à utiliser, quand cela est possible, la communication avec la terre ou un autre navire. Dans ce but, le bateau est muni de plusieurs rouleaux de fil électrique d'un développement de 2 à 3 milles, et il le déroule dans sa marche. ll reçoit ainsi des indications sur la route à suivre. En outre, deux petites ouvertures placées sur l'arrière de la porte-écoutille laissent passer des étuis à guidons, au moyen desquels on échange avec la terre quelques signaux simples, destinés à rectifier la position du bateau. Ce bateau peut servir soit comme cloche à plongeur, soit comme bateau-torpille sous-marin. Pour remplir le premier but, le plancher en fonte est percé de 4 portes rectangulaires s'ouvrant de dehors en dedans. L’inventeur a dessiné les plans d’un bateau plus grand (22m86). Les fonds ne sont plus plats; les façons en sont arrondies et deux quilles assurent l’équilibre du bateau sur le fond. La partie supérieure du bâtiment est blindée avec des plaques de 0m05 d’épaisseur pour le protéger quand il n'est pas entièrement submergé. Les réservoirs se prolongent dans toute la longueur de la chambre. Les portes servant à la cloche à plongeur existent encore, et l’avant du navire est installé pour porter une torpille. Un arbre coudé est fixé par sa partie verticale dans une douille à l'avant du bateau. La partie intérieure est horizontale et porte un secteur à engrenage qu’un arbre fait mouvoir au moyen d'un pignon. Sur la partie inférieure de l'arbre s'emmanche une grande tige de fer qui se replie dans le plan vertical de l'axe du bâtiment. Cette tige, longue de 5 à 6 mètres, porte à son extrémité la torpille chargée, qui est abritée en partie par un logement creux dans la coque. Quand le bateau a atteint le but contre lequel il doit agir ,la torpille est portée en avant, en décrivant un demi-cône. Le mouvement est donné par le pignon situé à l'extrémité de l'axe. La poudre servant à charger la torpille est une poudre concentrée, dont une livre équivaut à 36 livres de poudre à canon. Une pile électrique est employée pour mettre le feu à la torpille. Dans ce nouveau plan une machine à air comprimé sera employée pour donner la vitesse , et l'on espère atteindre plus de six milles. Cependant elle pourra alterner avec l'emploi de manivelles. Deux masses en fer servant d’ancres, l'une à l'avant, l’autre à l'arrière, sont destinées à tenir l'appareil d'une manière fixe à une certaine distance du fond. Ces masses sont suspendues à des chaînes qui traversent les réservoirs dans de forts tubes parfaitement étanches; elles sont mues par des treuils qui sont renfermés dans des boites situées au-dessus des réservoirs. Des logements sont réservés pour ces masses en fer dans la partie inférieure de la coque, au-dessous des réservoirs de l'avant et de l'arrière. L’inventeur assure que le bateau pourra descendre à 21 mètres sous l'eau et y rester plusieurs heures sans inconvénient pour l'équipage.
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